Les initiatives wallonnes en matière de phytomanagement1 sont encore marginales mais celles qui existent méritent toute notre attention. L'Ile aux Corsaires d’Angleur constitue un projet pionnier en la matière. Le site, anciennement utilisé par Umicore pour ses activités de fabrication de zinc, est devenu un lieu où la flore (d’une rareté exceptionnelle) a repris tous ses droits.
Comment cette transition a-t-elle pu avoir lieu ? Pourquoi ce site et non un autre ? Eléments de réponses avec Vincent Vanderheyden, Administrateur délégué de SITEREM, le bureau d’étude en charge – à l’époque – du Plan de réhabilitation de l’île.
Sur les traces d’un passé industriel
Dans la première moitié du XIXème Siècle, Umicore (anciennement, la Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montage), implantait ses activités de fabrication de zinc à Angleur, en Province de Liège, et dans ses environs. Jusqu’en 1966, l'Ile aux Corsaires a servi de dépôt pour ces déchets de minerais (scories). Des déchets qui ont fini par laisser des traces dans le sol.
C’est sur ces terres remplies de métaux lourds (essentiellement du zinc et du plomb), traces des activités métallurgiques passées, que se développe depuis 50 ans des formations végétales ouvertes. Un phénomène que l’on nomme « pelouse calaminaire ».
SITEREM2, initiateur du projet d’assainissement
Début des années 2000, pour permettre que la biodiversité reprenne ses droits sur l’île, Umicore charge SITEREM (bureau d’étude agréé, spécialisé dans le domaine des sols et des eaux souterraines pollués) de présenter un Plan de réhabilitation et d’assainissement de la « zone île » à l’Office wallon des Déchets (aujourd’hui devenu « Département du Sol et des Déchets – DSD »).
Habituellement, il faut savoir que le réaménagement d’un site se fait par l’implantation d’un « projet immobilier » ou la construction de parkings. SITEREM, de son côté, souhaite valoriser le terrain par une voie nettement plus innovante : celle du phytomanagement… Un exercice délicat quand on sait que - à l’époque - le public, l’administration et les représentants politiques ont du mal à accepter le fait qu’un terrain pollué ne soit pas assaini totalement. De plus, le phytomanagement est une technique inconnue et donc pas (ou peu) sujet de discussion.
Par chance, un élément fera pencher la balance en faveur de SITEREM : le statut de « candidat » du site d’Angleur au réseau « Natura2000 ». En s’appuyant sur cet élément et en s’associant à Natagora pour le montage du projet, SITEREM fera finalement valoir les bienfaits de la « phytostabilisation » dans la préservation et la restauration du site.
En 2003, le Cabinet compétent approuve le Plan de SITEREM. Cette décision marque une belle victoire pour le phytomanagement car – à cette époque-là - la législation wallonne en matière de sols pollués en est à ses débuts. Ce n’est d’ailleurs qu’en décembre 2008 que le « Décret relatif à la gestion des sols » parait. Celui-ci ne sera opérationnel qu’en 2013.
De nos jours, une initiative comme celle du projet de l'Ile aux Corsaires est donc plus facile à mettre en œuvre, pour autant que la phytoremédiation réponde aux objectifs du décret précité.
L’atout du site : sa pelouse calaminaire
La pelouse de l'Ile aux Corsaires est l’une des rares de ce type en Wallonie (autre exemple : le Site Minier de Plombières). Sa particularité : elle abrite des plantes peu communes telles que la pensée calaminaire ou Viola Calaminaria, le tabouret, la fétuque calaminaires, le gazon d'Olympe et le silène enflé. Ces plantes très rares servent d’abri ou de nourriture à des insectes – eux-mêmes – peu communs. Parmi ceux-ci ; le Petit Nacré : une espèce de papillon strictement protégée, emblème de la réserve.
Pour SITEREM, cette richesse justifiait l’usage de la « phytostabilisation » pour préserver l’île de 1.98 hectares. L’objectif de cette technique étant de permettre le développement de la pelouse calaminaire. Une pelouse qui a pour avantage de stabiliser le sol en empêchant l’envolée de poussières et l’érosion.
« La phytostabilisation est une technique qui permet de réduire les nuisances et risques pour la santé humaine, tout en préservant et restaurant l’habitat, » détaille Vincent Vanderheyden, Administrateur délégué chez SITEREM.
Natagora, gestionnaire de la zone protégée
Une fois le plan approuvé, SITEREM et Natagora ont travaillé à la mise sur pied du projet et à sa viabilité, tant sur le volet « biodiversité » que sur le volet « éducatif ».
Sur le plan scientifique, des études entomologiques et géomorphopédologiques ont été menées jusqu’en 2006 par des étudiants, doctorants et naturalistes.
Parallèlement, diverses actions ont été menées en vue d’accroître les surfaces de la pelouse telles que :
- le débroussaillement de certaines zones pour favoriser les « milieux ouverts » et amener des puits de de lumière,
- l’apport de nouvelles terres calaminaires sur le site, issues de la « zone usine » de UMICORE (toujours propriétaire du site).
En 2007, la mission de SITEREM était bouclée et les derniers rapports sur le suivi de la phytostabilisation étaient déposés.
Au-delà des aspects d’assainissement et de préservation de la nature, l'Ile aux Corsaires se voulait aussi être un site didactique. Dans cette optique, à l’été 2005, pour éviter le piétinement et l’écrasement de la pelouse, le site a été clôturé et doté de caillebotis de façon à permettre au public de le visiter lors de balades organisées. Pour parfaire le sentier, Natagora a réalisé des panneaux informatifs.
Actuellement, des recherches et relevés scientifiques sont toujours menés sur les sols, la faune et la flore.
Sources :